Par Idriss Kathrada, fondateur et dirigeant de Novasirhe, conseil & audit en énergie-climat-environnement, éco-innovation, financement et développement durable.
Dans le contexte de la série d’article sur le thème « Approches environnementales et retour d’expériences pour la performance environnementale des Data Center » présenté par un précédent post en septembre 2020, l’intention de cet article est d’apporter un retour d’expérience sur une évaluation en cycle de vie de la performance d’un cas de projet en phase conception. Cet article présente une approche méthodologique utilisée en France, les résultats pour l’indicateur climatique et les perspectives.
La méthode
Il existe actuellement plusieurs approches et référentiels d’évaluation de la performance environnementale d’un ouvrage, qui s’appuient sur des indicateurs diversifiés selon que la préoccupation porte sur l’énergie, les déchets, la biodiversité ou encore le changement climatique. En France, il est possible de mentionner le référentiel Energie Carbone pour la performance environnementale des bâtiments neufs, publié en octobre 2016, et dont la vocation est de devenir la nouvelle génération de réglementation énergétique et environnementale des bâtiments (RE2020), avec un nouvel indicateur d’impact climatique en cycle de vie.
Cette méthode, fondée sur la norme EN 15978 sur l’évaluation de la performance environnementale des bâtiments, présente la particularité d’étendre l’analyse des moyens et de leurs conséquences environnementales au-delà de la seule phase d’exploitation.
Ainsi, pour un Data Center, cela conduit à évaluer l’impact énergétique et environnemental des phases :
- de fabrication des produits de construction et des équipements,
- de construction, y compris le transport,
- d’exploitation du Data Center
- de fin de vie
Si l’on souhaite identifier la relation avec le PUE, les données concernant l’indicateur du PUE correspondent au module B6 relatif à l’énergie en exploitation de l’ouvrage, pour ses usages immobiliers et mobiliers.
Cette méthode offre la possibilité d’évaluer non seulement la performance en exploitation, tant énergétique que carbone, mais également sur l’ensemble du cycle de vie. Ainsi, pour l’indicateur climatique par exemple (kgCO2e/unité), il est possible de disposer d’une information sur l’impact :
- de l’énergie, des fluides frigorigènes, des autres moyens en exploitation,
- du chantier,
- des produits de construction,
- de la fin de vie.
Au total, il est possible d’accéder à une information sur l’indicateur d’impact climatique pour l’ensemble du cycle de vie pour la période de référence (par convention, l’évaluation est menée pour une période de 50 ans).
Les résultats
L’application de cette méthode à la fin de la phase de conception (DCE/Marché – Dossier de consultation des entreprises) pour un Datacenter apporte les résultats suivants :
- Un indicateur d’émission global de 15,3 tCO2e par m2.SDP pour 50 ans
- L’énergie constitue la principale source d’émission, et les composants 2tCO2e environ 13%
- La consommation d’eau et le chantier, avant collecte terrain, environ 1%
Comme cela a été indiqué cette étude apporte un premier ordre de grandeur pour l’indicateur d’impact climatique, sur la base des hypothèses découlant de l’application de la méthode du référentiel E+C-, qui retient une période d’étude de référence de 50 ans, et sur les informations disponibles pour le projet avant sa construction.
Ces résultats ne sont pas directement comparables aux informations présentées dans un rapport annuel sur la performance extra-financière, qui reposent sur un bilan gaz à effet de serre ou encore aux informations proposées pour le « décret tertiaire » applicable aux Datacenter existants.
Perspectives et problématiques après la construction
Les résultats disponibles sont appelés à être actualisés avec les informations disponibles à la fin du chantier. Il s’agit notamment de prendre en compte les éléments suivants :
- La complétude des données du projet, avec le chantier ;
- Les données environnementales, des FDES fabricants, plutôt que « Par défaut » ;
- Une analyse des autres indicateurs environnementaux: énergie grise, déchet, eau, pollution ;
- L’identification des potentiels de progrès, selon les produits de construction et d’équipements (PCE), l’Energie & l’Economie circulaire.
Dans les années à venir, la mise en place d’indicateurs normalisés en cycle de vie, permettront de disposer d’un regard sur la performance énergétique mais également carbone, avec une vision temporelle plus large de la performance, en particulier par rapport aux objectifs climat de 2050. Le potentiel de progrès climatique à mobiliser pourra s’appuyer non seulement sur l’efficacité énergétique et le recours aux énergies renouvelables, mais également l’utilisation de composants plus performants, nécessaires à la fourniture de services par le Datacenter.
Les prochains articles apporteront un éclairage sur l’importance des composants et les données environnementales : les produits, l’enveloppe et le gros œuvre/second œuvre, les fiches de données environnementales et sanitaires (FDES).